Une idée de l'Europe

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Si Jacques Delors lui-même a pu dire que l’Europe était un O.P.N.I. (objet politique non identifié), nous ne devrions pas être surpris que l’opinion publique en a une perception floue et confuse. La perplexité serait moindre s’il s’agissait d’une configuration orientée par les catégories traditionnelles d’Etat-nation ou des relations internationales, si nous bâtissions un Etat-nation à plus grande échelle ou si nous intensifions les relations entre les Etats souverains. Cependant, le processus d’intégration est unique, inédit ; il exige des concepts et des actualisations originales.

On parle beaucoup de déficit démocratique, mais je crois que le problème le plus profond de l’Europe est son déficit cognitif, notre manque de compréhension de ce que l’Union européenne représente. Nous avons du mal à comprendre que nous sommes devant une des innovations politiques majeures de notre histoire récente, un véritable laboratoire pour expérimenter une nouvelle formulation de l’identité, du pouvoir ou de la citoyenneté dans le contexte de la mondialisation. La crise qui est derrière l’échec constitutionnel ou la désaffection généralisée face à la possibilité d’avancer dans l’intégration est fondamentalement dues à un compréhension malaisée de ce que nous sommes, de ce que nous sommes en train de faire et au manque d’une bonne théorie sur l’Europe. Le déficit auquel je fais allusion n’est pas un manque de communication qui pourrait être résolu par un meilleur marketing. C’est un défaut de compréhension (entre ses citoyens et ses gouvernants) et de conviction au sujet de l’originalité, de la subtilité, de la signification et de la complexité de la construction européenne. C’est ainsi que peuvent s’expliquer les peurs des citoyens et les rares ambitions de leurs dirigeants. Le problème est que l’idée que l’on a de l’U.E. est pleine de malentendus qui la laissent à la merci d’une opinion publique superficielle, qui la voit comme une échelle de pouvoir supplémentaire, comme une stratégie pour survivre face à une mondialisation qui n’est perçue que comme menaçante, comme une forme politique sur laquelle se projette le modèle de l’Etat-nation. Ainsi, certains pays passent pour être très europhiles parce qu’au fond, ils apprécient les subventions reçues, quand d’autres voient en l’Europe une menace et cessent de percevoir l’opportunité qu’elle représente. Les uns et les autres ont une perception erronée de ce que l’Europe représente et, tant que ces méprises ne se dissoudront pas, l’adhésion au projet politique de l’U.E. demeurera faible et superficielle.

Ce dont l’Europe à besoin, c’est de connaître et de renouveler sa cohérence. On ne peut avancer dans l’intégration politique si nous n’abordons pas la question de la nature de l’Europe, si nous escamotons les questions de fonds au sujet de ce qu’elle est et peut être. Cela va de soi, sans cet éclaircissement, les politiques de communication au sein de l’Union ne pourront être efficaces, en particulier dans une société mûre et dans laquelle on peut faire de moins en moins de choses sans donner des raisons convaincantes. Comme le disait Julia Kristeva, l’Europe ne doit pas seulement être utile, elle doit aussi avoir du sens. Comprendre l’Europe est le premier pas pour imprimer une direction, pour indiquer à la citoyenneté ce qui devrait recueillir son assentiment suite à un débat public. Il est possible que, pendant un temps, l’on ait considéré cette clarification comme vaine, mais, aujourd’hui, elle est devenue indispensable.

On ne pourra pas déterminer si l’expérience européenne échoue ou réussit avec un idée adéquate de ce qui se passe. Un processus d’une telle envergure ne peut se mener à bien sans des catégories à même d’interpréter avec à propos la situation.

Notre principal défi consiste à abandonner les concepts centrés sur l’idée traditionnelle d’Etat et à développer une compréhension alternative des relations entre les Etats, les nations et les sociétés. Devant l’obligation de définir un nouveau bien commun européen face aux intérêts plus immédiats du marché et des Etats, nous, Européens, avons l’opportunité de découvrir les grandes fins de la politique.

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