Le socialisme libéral: une alternative libertaire

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Le socialisme est aujourd’hui encore loin d’avoir développé et traduit en initiatives sociales une conception nouvelle, plus en accord avec son époque, de l’égalité des chances. Si le socialisme veut à nouveau être reconnu comme une force de transformation sociale, il doit se redéfinir pour retrouver sa capacité subversive, libertaire. Et c’est justement ce qu’il ne fait pas quand il prend obstinément la défense de la maîtrise de l’État sur l’économie et la société. Peut-on imaginer une gauche individualiste, anti-étatique, qui ne chercherait plus à réaliser la justice au moyen de la redistribution par l’État mais en créant les conditions d’une plus grande égalité des chances sur le marché, donnant ainsi l’impulsion à l’initiative et à la responsabilité ?

Au XVIIIe siècle, la gauche était favorable non seulement à la liberté politique mais aussi à la liberté économique. Ceux qui réclamaient un contrôle étatique strict sur la vie économique étaient les partisans de la restauration. Au XIXe siècle, cette corrélation s’inversa. La gauche devint collectiviste et elle prit la défense de la planification étatique. Inversement, la droite, d’abord antilibérale, se transforma jusqu’à se faire l’avocate de la liberté d’entreprendre. L’idée du laissez-faire ne fut donc jamais le monopole du libéralisme bourgeois, il était déjà présent dans les aspirations libertaires du mouvement ouvrier.

Il ne s’agit pas de supprimer l’État mais tout au contraire de le consolider, de le rendre plus efficace, moins bureaucratique et plus transparent. Cela ne se fera pas sans qu’il se retire de nombreuses sphères sociales où il est aujourd’hui présent. Un socialisme libéral implique une dérégulation en partant du bas qui n’a rien à voir avec le néolibéralisme prôné par les grands groupes économiques, dont le pouvoir ne tient que grâce à la complicité de l’État qui favorise leurs intérêts. Le néolibéralisme est finalement une idéologie antilibérale fondée sur une vision du monde qui secrète le fatalisme et la soumission.

La critique habituelle du système économique mondial prend pour cible le marché comme si celui-ci était responsable de la misère du monde. Mais le problème réside plutôt dans le fait qu’il n’existe pas de véritable économie de marché. Nombreux sont les grands groupes économiques qui sans la protection de l’État n’auraient pas atteint la dimension qu’ils ont aujourd’hui. La mondialisation peut aider à dépouiller de leur pouvoir les concentrations économiques existantes et à ouvrir effectivement les marchés mondiaux. S’il n’en va pas ainsi, ce n’est pas en raison de l’inamovible « logique du capital » mais de l’interventionnisme des États.

Ceux qui entendent faire une synthèse historique des idées libérales et sociales pourraient donc se donner comme objectif de substituer à la redistribution centralisée une plus grande égalité des chances sur le libre marché. C’est en cela que consisterait la rénovation radicale d’un socialisme qui ne se résignerait pas à ce que les conservateurs monopolisent une dimension de la liberté et la gèrent sans considération pour l’égalité, avec la supériorité que leur confère l’échec des stratégies de redistribution par l’État.

Daniel Innerarity, professeur de Philosophie Politique à l’Université de Saragosse (Espagne) et actuellement professeur invité à l’Université de Paris 1, est l’auteur du livre La démocratie sans l’État. Essai sur le gouvernement des sociétés complexes, Climats, 2006 et Le Futur et ses ennemis, à paraitre également chez Climats, en octobre 2008.

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